Mélanie Laporte
11 févr. 2024
Suis-je réellement victime de violences conjugales ? Est-ce illusoire de s’en échapper ? Quels sont mes droits et comment puis-je réellement être accompagné(e) ?
Tout un tas de questionnements peuvent survenir lorsqu’une personne fait face à des violences régulières, parfois habituelles, qui la placent en situation de vulnérabilité voire d’insécurité…
La 1ère étape nécessite, en premier lieu, à s’identifier comme une victime de violences.
C’est peut-être l’étape qui sera la plus longue et difficile à passer.
La 2nde consiste à connaître précisément les ressources existantes pour en échapper.
Enfin, la dernière étape permet aux victimes de violences conjugales à prévenir ou éviter le retour à l’insécurité.
Cet article a vocation à détailler chacune de ces étapes pour permettre aux personnes victimes de violences et peut être vous, si vous en faites partie, de connaître le champ des possibilités qui s’ouvrent à vous.
« Victime de violences conjugales, moi ? Bien sûr que non... »
Aujourd’hui l’expression « violences conjugales » reste trop souvent assimilée aux violences physiques et graves dont les blessures seraient toujours visibles à l’œil nu.
Il n’en est rien.
On pense parfois qu’une claque isolée, des insultes trop vite prononcées, une « simple » bousculade ne caractérisent pas de violences réelles.
Pourtant, ces « petits gestes » du quotidien peuvent, à la longue, dépasser votre seuil de tolérance et faire germer dans votre esprit l’idée qu’ils sont anormaux.
« Et si, finalement, ces bousculades ou ces paroles plus que déplaisantes me blessaient réellement ? Et si je réalisais que ces gestes provoquaient, en moi, un sentiment de peur et d’insécurité ? »
Dans ce type de cas de figure, on préfèrera toujours penser que cela ne se reproduira pas, que ce comportement anormal est isolé et qu’il s’explique naturellement par un contexte particulier, un travail stressant, un licenciement, un état dépressif passager …
Malheureusement, dans 70% des situations, ces manifestations de violence demeurent rarement des actes isolés.
En réalité, la plupart du temps, la violence physique intervient seulement après la réalisation d’autres formes de violences, souvent psychologiques ou verbales : on parle de « cycle de violences conjugales ».
Celui-ci débute, généralement, avec l’installation d’un climat de tension dans le couple, au cours duquel l’un des partenaires va prendre le dessus sur l’autre dans la relation. C’est là que l’emprise apparaît. C’est aussi à ce stade que les premières violences psychologiques ou verbales sont constatées, lesquelles se manifestent, entre autre, par le dénigrement du partenaire ou son découragement.
« Tu en es incapable… » « Tu ne sers à rien… »
Le partenaire commence également à prendre l’ensemble des décisions de la vie quotidienne.
Les crises interviennent alors, de façon plus ou moins violentes, plus ou mois régulières.
La seconde phase, aussi appelée, « lune de miel », est celle pendant laquelle le conjoint, auteur des violences, exprime à l’autre de profonds regrets et tente de se faire pardonner.
Cette étape génère chez l’autre l’espoir que les choses vont s’arranger et qu’il s’agissait bien d’une simple crise passagère, comme peuvent en connaître d’autres couples.
Puis, quelques semaines voire quelques mois après, le cycle reprend lentement du début : les insultes, les violences et les insécurités resurgissent progressivement.
A ce stade, le partenaire victime des violences a tendance à minimiser le comportement de son conjoint, quite à se convaincre qu’il ne s’agit que d’un dérapage (encore un autre) et qu’il lui appartient même de lui venir en aide, de le « sauver ».
Il est pourtant bien nécessaire de comprendre que dans ces situations, la seule personne à protéger n’est autre que vous-même et également peut être vos enfants.
Vous avez, très certainement, de nombreuses raisons qui vous poussent à rester : la peur de perdre vos enfants, celle de rompre la cellule familiale, une éventuelle dépendance financière ou bien la peur des représailles qu’impliquerait votre départ etc.
C’est donc précisément, à cette étape de votre réflexion qu’il est important de songer à prendre conseil autour de vous et de vous faire accompagner, en cas de besoin. Ces personnes seront là pour vous apporter les réponses à vos questionnements principaux :
- Comment accéder à un hébergement d’urgence ou à logement social ?
- De quelles aides financières puis-je bénéficier si je devais mon conjoint et subvenir seule à mes besoins ?
- Quels sont les outils juridiques existants pour me protéger moi, mais également mes enfants ?
D’accord mais, vers qui se tourner ?
1.Se tourner vers un proche
Si, en règle générale, les personnes violentes avec leur partenaire auront tendance à chercher à isoler son conjoint de ses proches, il faut toutefois garder à l’esprit que vous trouverez toujours, au sein de votre entourage, une oreille attentive qui saura vous venir en aide si vous en ressentez l’envie ou la nécessité.
2. Prendre contact avec une association ou une administration dédiée
Si vous avez des difficultés à vous confier à votre famille ou à vos amis, n’hésitez pas à contacter le 3919, un numéro d’écoute national et anonyme, accessible gratuitement du lundi au vendredi entre 9h et 22h et de 9h à 18h les samedis, dimanches et jours fériés. Des personnes informées sur le sujet pourront vous orientez, vous donnez des adresses utiles ou vous conseillez en fonction de votre besoin.
Vous pourrez, également, être mis en relation avec des associations qui fournissent un travail formidable et seront disposées à vous apporter protection et soutien dans vos démarches.
Ils pourront, notamment, vous aider à quitter le domicile conjugal et à vous trouver un hébergement d’urgence.
A titre d’illustration, sont joignables :
Concrètement, que va-t-il se passer ? Comment puis-je me protéger ?
Il existe aujourd’hui différentes démarches juridiques à entreprendre pour vous protéger.
1.Rassembler des preuves
Préalablement à toute action juridique, il est important que vous puissiez commencer à rassembler des éléments permettant d’attester des violences commises par votre conjoint.
Pour cela, plusieurs choix s’offrent à vous :
- Faire constater les violences physiques et psychologiques par un médecin. Il pourra, à cette occasion, vous délivrer un certificat d’Interruption Temporaire de Travail (même si vous ne travaillez pas) qui pourra être utilisé dans le cadre d’un futur dépôt de plainte.
- Prendre des photos des blessures, de la détérioration du mobiliers causés lors des violences conjugales.
- Demander à des proches de témoigner des violences auxquelles ils ont assistées, via le formulaire cerfa disponible sur www.service-public.fr, accompagné d’une pièce d’identité.
- Déposer une main courante : cette simple déclaration auprès d’un commissariat ou de la gendarmerie permettra de rendre compte de certains faits aux autorités. Le dépôt de main courante n’entraînera toutefois pas l’organisation d’une enquête.
- Déposer plainte : le dépôt de plainte saisi automatiquement la Justice. Une enquête sera ouverte et le Procureur de la République pourra éventuellement engager des poursuites à l’encontre de l’auteur de l’infraction.
Le dépôt d’une plainte est fortement conseillé comme préalable à la saisine du Juge aux Affaires Familiales aux fins d’obtenir le prononcé d’une ordonnance de protection.
Il est également recommandé, à cette occasion, de solliciter un examen médico-judiciaire pour faire rendre compte des violences subies (physiques mais également psychologiques).
2. En cas d’urgence
Si la personne avec qui vous vivez vous fait subir des actes de violences conjugales ou menace de le faire, vous pouvez alerter la police ou la gendarmerie en composant le numéro 17.
Vous pouvez aussi alerter le Samu ou les pompiers, si vous avez besoin de soins médicaux urgents suite à des actes de violences conjugales en composant le numéro 18 ou le 15.
Vous avez également la possibilité de contacter la police ou la gendarmerie pas messagerie instantanée en vous rendant sur le site https://www.service-public.fr/cmi: ce chat vous permettra de dialoguer avec un personnel de police ou de gendarmerie. L’historique de discussion pourra être effacé de votre ordinateur, téléphone ou tablette.
3. Recourir à la justice
Pour se défendre contre les violences conjugales, plusieurs étapes doivent être suivies. Un avocat spécialisé dans la défense des victimes de violences pourra vous assister à chacune d’elles.
Une procédure urgente : l’ordonnance de protection
L’objectif de l’ordonnance de protection est le suivant : vous mettre en sécurité, vous et vos enfants, de manière immédiate.
Pour qui ?
Depuis la loi du 28 décembre 2019, le législateur a élargi la notion de « couple » afin de protéger plus largement les victimes de violences conjugales. Ainsi, l’ordonnance peut être délivrée afin de protéger une victime de violences commises au sein d’un couple, d’un couple séparé, marié, conjoint ou simple concubins.
Pour quelles violences ?
Les violences visées par l’ordonnance de protection ne se limitent pas aux violences physiques.
Les violences peuvent être de plusieurs ordre, à savoir :
- Les violences physiques (coups et blessures) ;
- Les violences psychologiques (situation de harcèlement, dénigrement récurent, chantage, insultes, menaces etc.)
- Les violences sexuelles ;
- Les violences économiques (privation de ressources, subtilisation de ses économies ou revenus).
Quelles sont les conditions pour se voir délivrer une ordonnance de protection par un Juge ?
L’obtention d’une ordonnance de protection est subordonnée à l’existence de violences vraisemblables : la victime doit prouver, par tout moyen, les violences : photos des blessures, arrêts de travail, mains courantes, plaintes, certificats médicaux, attestations témoins, sms ou courriels, relevés d’appels, antécédents judiciaires de l’auteur des violences.
Grâce ce faisceaux d’indices caractérisant le danger, le Juge aux Affaires Familiales pourra délivrer une ordonnance de protection.
Concrètement, comment dois-je procéder ?
Le Juge aux Affaires Familiales doit être saisi sur requête de la victime, assistée ou non d’un avocat.
La victime a la possibilité de dissimuler son adresse (ou l’adresse de son hébergement d’urgence) en se faisant domicilier, par exemple, au cabinet de son avocat.
Compte tenu du caractère urgent de la procédure, le Juge pourra fixer une date d’audience dans un délai très rapide (6 jours).
Lors de l’audience, les parties peuvent être entendues ensemble ou séparément. La majorité des audiences ont lieu en présence des deux parties (et de leurs avocats), mais, le juge ou l’une des parties peut demander que les auditions aient lieu séparément.
Quelles mesures peuvent contenir l’ordonnance de protection ?
Plusieurs mesures peuvent être demandées au Juge aux Affaires Familiales. Parmi celles-ci, il y a notamment :
- L’interdiction d’entrer en contact avec la victime ;
- L’attribution du domicile conjugal : la victime peut se voir, d’office attribuer le domicile conjugal occupé par le couple.
A noter : lorsque la victime ne souhaite pas conserver un logement faisant l’objet d’un bail locatif, elle bénéficie d’une période de préavis réduite à un mois.
- La dissimulation de l’adresse de la victime ;
- Le port d’un bracelet anti-rapprochement : cette mesure est soumise au consentement préalable des deux parties. Toutefois, en cas de refus de l’auteur des violences, le Juge aux Affaires Familiales devra en avertir le Procureur de la République, sans délai.
- Les mesures relatives aux enfants : le Juge pourra prononcer, notamment, la fixation de la résidence des enfants au domicile de la victime et pourra se prononcer sur le droit de visite et d’hébergement de l’autre parent, ainsi que sur le versement d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.
Si le couple est marié, le Juge pourra, également, statuer sur l’attribution d’un devoir de secours (une aide matérielle nécessaire à subvenir aux besoins du foyer).
Attention ! La mesure de protection n’est valable que pour une durée de six mois, laquelle peut être prolongée si une nouvelle requête est introduite, dans l’intervalle, auprès du Juge aux Affaires Familiales.
Il est également à préciser que le non-respect, par l’auteur des violences, du respect de ces mesures est susceptible d’entrainer une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 15 000€ d’amende.
Les sanctions pénales et l’indemnisation des violences conjugales
Les sanctions pénales ne peuvent être prononcées à l’encontre de l’auteur des violences conjugales que lorsque le Procureur de la République décide de le poursuivre devant les juridictions pénales.
Cette poursuite intervient la plupart du temps après le dépôt de plainte réalisé par la victime, ayant conduit à l’ouverture d’une enquête de police.
Quelles sanctions ?
La nature des sanctions dépend de nombreux paramètres et notamment de la gravité des faits, des preuves des violences, du caractère récidiviste ou non de l’auteur des violences, du profil de la personne poursuivie pour ces faits etc.
Selon la loi, il existe une gradation dans les peines encourues en cas de violences physiques conjugales:
- Si la victime subit une incapacité totale de travail (ITT) de 0 à 8 jours, les peines encourues par l'auteur des violences conjugales peuvent aller jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 45000 € d'amende.
En cas de circonstances aggravantes, la peine peut aller jusqu'à 5 ans voir 7 ans de prison.
- Si l'incapacité totale de travail dépasse les 8 jours, cette sanction peut aller jusqu'à 5 années de prison et une amende de 75000 €, et de la même manière peut être augmentée jusque 7 ou 10 ans de réclusion en fonction de circonstances aggravantes.
Il s'agit là des peines encourues en cas de violences physiques conjugales exceptionnelles.
Quand les violences deviennent répétées et habituelles, les peines sont encore plus importantes.
En effet, la répétition constitue en elle-même une circonstance aggravante:
- Ainsi, en cas de violences physiques conjugales répétées entraînant une incapacité totale de travail inférieure ou égale à 8 jours, cela aura pour conséquence une peine de prison qui pourra aller jusque 7 ans, et une amende de 75 000 €
- Pour une ITT supérieure à 8 jours, en cas de violence physique habituelle, la peine encourue est portée à 10 ans ainsi que 150 000 € d’amende.
Les violences psychologique au sein d’un couple, aussi appelées « harcèlement moral de couple » sont également réprimées. Les peines peuvent atteindre jusqu’à 3 ans d’emprisonnement ainsi que 45 000 euros d’amende quand l'incapacité totale de travail qui en découle est égale ou inférieure à 8 jours, et ces peines peuvent augmenter selon la durée de l’ITT, que cela soit sur le plan de la durée ou sur celui du montant de l’amende.
Enfin, il est à préciser qu’en cas de violences légères et isolées, le Procureur de la République aura la possibilité de proposer des mesures alternatives aux poursuites (composition pénale, rappel à la loi, stage de responsabilisation ou médiation pénale).
Dans chacune de ces situations, il est important de préciser que la victime de violences conjugale aura toujours la possibilité de solliciter, en parallèle de ces sanctions pénales, une juste indemnisation de ses préjudices.
Il pourra notamment s’agit de condamner l’auteur des violences à prendre en charges les dépenses médicales, le remboursement des frais d’hébergement si la victime a été contrainte de quitter le domicile conjugal, une éventuelle compensation s’il est constaté la perte de salaire.
Enfin, il pourra être demandé la condamnation au paiement de dommages et intérêts en raison du préjudice physique, esthétique et moral.
Quel que soit votre statut (victime, parent ou ami d’une victime), l’étape de votre réflexion dans l’identification des violences, sachez que vous n’êtes pas seul(e).
Particulièrement sensible à ce sujet, vous trouverez au cabinet, une oreille attentive pour vous écouter et surtout une aide pour vous accompagner, à votre rythme, vers le chemin de la liberté.
Parce que je suis avant d’être avocate une femme. Une femme sur qui vous pourrez compter.
CABINET D'AVOCAT A MONTPELLIER
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